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Journal 14 - du 17 avril au 1er mai 2007
Italie - 478km
Tracé rouge = vélo Tracé marron = voiture Tracé violet = avion Mannaggia ! Mardi 17 avril 2007 Réveil à 3h50 ! C’est dans la nuit noire que je pédale le dernier kilomètre qui me sépare de l’aéroport d’Ivato (Madagascar). Une mauvaise nouvelle m’attend au check-in : ma surcharge de 19kg m’est taxée 300 dollars !!! Une petite fortune ! Que faire ? Laisser mon vélo ici… ou me débarrasser de deux trois sacoches ?... Non, je n’ai pas d’autre choix que de sortir la carte de crédit. Les 12 heures de vol – avec escale à Nosy Be – se passent à merveille. Effectivement, nous ne sommes qu’une quarantaine dans un Boeing de 250 places. Presque vide, ce zinc ! Au fait, merci pour la surcharge à payer, les gars !... J’espère que vous avez bien arrimé le vélo, car autrement il risque de faire les 400 coups dans la soute… Il est 18h quand l’avion atterrit sur la piste de l’aéroport de Milan-Malpensa. Voilà une année, je quittais l’Europe. Je me sens, tout à coup, très proche de la maison. A la sortie de la douane, j’ai droit à un comité d’accueil d’exception : ma sœur - venue des Etats-Unis - que je n’ai pas vue depuis deux ans ; ma maman, que je n’ai pas vue depuis plus d’un an et Adriano – le cousin de ma mère – que je n’ai pas rencontré depuis bien quatre ans. Séquence émotion ! Nous avons tant de choses à nous raconter. Par quel bout commencer ?... Adriano nous conduit chez sa famille, à Riviera ; un petit village situé à quelques kilomètres de la frontière suisse, non loin du lac Majeur. Riviera : tant de souvenirs de mon enfance sont restés accrochés à ce hameau perdu en pleine campagne lombardienne ; la conduite du tracteur avec Adriano alors que je n’avais pas 10 ans, les bavardages avec les vaches, les sorties avec le chien, les discussions en famille autour de volumineux plats de pâtes,… et bien d’autres encore. Arrivés à Riviera, nous sommes accueillis par Mercredi 18 avril 2007 Piera – un altra cugina – nous emmène au grand marché de Luino, où mes deux femmes s’en donnent à cœur joie. Elles se sentent comme des perches dans le Léman au milieu de ces stands d’habits, de bijouterie et autres babioles J. De mon côté, je fais le plein de nourriture pour les jours à venir. La bicyclette va être chargée comme une mule. Jeudi 19 avril 2007 En route ! Je quitte Riviera à 7h, en même temps que ma mère et ma frangine qui, elles, sont emmenées par Adriano à la gare de Luino. A midi, elles seront déjà de retour à Genève. Moi, pas encore… Le ciel est bleu, mais le fond de l’air est frais : 16 degrés à 9h. La route régionale qui longe la côte Est du lac Majeur est très agréable ; bien que très étroite, elle offre un splendide panorama sur le lac et les hauteurs environnantes. Les Alpes ne sont pas loin. Quelques tunnels m’obligent à allumer les feux de croisement. Fort heureusement, le trafic est faible et raisonnable. Je plante la tente au bout du lac, à Sesto Calende, après 48 petits kilomètres. Reprise en douceur. Vendredi 20 avril 2007 Au menu du petit déj’, ce matin : 200gr de céréales trempées dans de l’eau, suivis d’une pomme. Ca n’est pas le buffet du Hilton. Le décor n’est pas tout à fait le même, non plus, dans ma tente. Après quelques kilomètres de route, je quitte la région de Sur mon trajet, je croise quantité de hérissons… morts au bord de la route. Leurs piquants érectiles les protègent de beaucoup d’ennemis, mais pas de ces monstres de rouleaux compresseurs. A quand des hérissons en titane cloutés ? Les indications routières sont plus souvent destinées aux véhicules rapides qu’aux pauvres bicyclettes. En effet, les panneaux tentent trop souvent de m’emmener dans la gueule d’un lion que je ne connaissais pas jusqu’à lors : Bon, en deux mots : attention aux Superstrade en Italie ! Ce qui me met à l’aise en Italie, par contre, c’est de voir que je ne suis pas le seul à me déplacer sur un biclou ; oui, les Marco Pantani et autre Damiano Cunego sont nombreux, par ici. Pas toujours souriants, mais bien là. Je me dis, donc, que les voitures sont habituées à dépasser les bicyclettes. Jusqu’à présent, la cohabitation s’est plutôt bien passée. Ma solitude est brisée quelques kilomètres avant Cavaglia par un autre champion sur son vélo de course en carbone. Il est intrigué par mes nombreux bagages et tient à en savoir plus. C’est ainsi que je fais la connaissance du sympathique Carlo avec qui je taille une bavette pendant un bon quart d’heure, tout en continuant ma route à l’allure d’une limace engourdie. Carlo n’en revient pas de mon parcours. Il veut absolument prendre une photo et me présenter à son fabricant de vélos, qui a son magasin à Cavaglia. Avec plaisir, allons-y ! C’est sur ma route. Ces petites séquences relationnelles sont un vrai bonheur pour le cyclo’ esseulé que je suis. Elles me revivifient. Non loin de là se trouve le lac de Viverone ; station estivale prisée par les habitants de Biella. C’est ici que je choisis de m’installer pour la nuit. Ai-je à peine le temps de descendre de vélo que je suis accueilli par une troupe surexcitée ; une armada de moustiques bodybuildés aux trompes affûtées me fonce droit dessus, tel un escadron de kamikazes. Ils ne sont peut-être pas porteurs de maladie, mais sont bien plus costauds et agressifs que tous ceux rencontrés sur les quatre autres continents. En un rien de temps, mes mollets sont pris d’assaut. Un réel festin, pour ces zanzare ! Je file m’enduire de lotion avant qu’ils ne me lyophilisent. Ils continuent de me tourner autour et ont l’air très énervés de ne plus pouvoir s’abreuver. Non, non, je vous en ai assez laissé, les nanas ! Allez voir ailleurs ! Petite parenthèse pour rappeler que seule la femme suce… le sang, chez les moustiques. En montant la tente, un drame se produit : un des deux arceaux se casse… Bon sang ! C’est la quatrième fois ! De la vraie camelote, ces tubes ! Il ne me reste plus qu’un embout de réserve avant de me retrouver sans abris. Ce soir, le moralomètre a chuté. Allongé dans mon sac de couchage, j’ai le coup de blues. Je me sens bien seul sous ma tente… Trop seul. Vous me direz : ouvre la porte ; les moustiques ne demandent qu’à venir te tenir compagnie. Oui, c’est vrai… La solitude commence à peser lourd sur mon état psychique. Je pense à Ploy. Je pense à ma famille que je viens de quitter. Je pense à mes amis. Ah, si seulement quelqu'un pouvait venir me voler mon biclou, cette nuit, pour que je puisse rentrer à la maison… Samedi 21 avril 2007 Destination : Turin ! Cette ville me semble être l’endroit idéal pour travailler sur la mise à jour du site Internet ; des cybercafés à profusion (merci les J.O. 2006 !) et une auberge de jeunesse pour me reposer à faible prix. Je pédale avec entrain sur la nationale S26 au trafic raisonnable. Le moral remonte les chaussettes au fur et à mesure que je me rapproche de la ville. J’ai hâte de pouvoir converser avec mes compagnons de chambre ; discuter de tout, discuter de rien, mais discuter. J’ai l’idée futée (J) de prendre Turin par derrière, en enfourchant le Pô (c’est un fleuve) à Chivasso déjà. Je suis fier de mon choix ; la route est calme et j’évite, ainsi, la traversée du centre-ville. L’auberge étant située non loin du Pô (quel pot !), je n’ai plus qu’à me laisser glisser le long du cours d’eau jusqu’à destination. Bon, je m’égare quand même 2-3 fois sur des sentiers cyclables, mais retrouve rapidement les rails. A quelques kilomètres du centre, je m’arrête en lisière de forêt pour sortir mon plan détaillé de Turin. Là, j’entends une forte voix qui semble venir des bois. Je me retourne et… Qu’aperçois-je, au loin ? Une volumineuse Black, ses atouts à l’air et ajustée d’une minijupe plus haute que le string, me faisant de grands signes amicaux. On se connaît ??? Me demandé-je… Oui, vous l’avez compris, je suis tombé, par hasard, dans un repaire de racoleuses. Un p’tit coup sur le pouce ? Non, pas le temps ! La route m’appelle J. J’arrive sans peine à l’Ostello Torino (auberge de jeunesse) vers 14h. Quelques jeunes sont assis sur le banc, devant la porte qui n’ouvre qu’à… 15h et qui a fermé à… 10h30 ! Bienvenue au pays d’il pisolino (la sieste) J! Dimanche 22 – Vendredi 27 avril 2007 Torino : ville de Je m’y suis rendu à plusieurs reprises lorsque j’étais blondinet, mais j’avais oublié à quel point cette cité était belle et agréable ; ses ruelles pavées, ses corsos fleuris, son architecture baroque, ses places romanesques, son fleuve majestueux et… ses jolies Turinoises. Mais, je ne suis pas venu ici pour faire les musées, ni pour draguer les minettes (ou bien ?). Il m’aura fallu une semaine d’Internet, à plein temps, pour venir à bout de Madagascar. Je suis pressé de me remettre en selle. Samedi 28 avril 2007 Arrivederci Torino ! Je continue ma route vers le sud, en direction du bord de mer. Ce matin, les Italiens se font très expressifs à mon égard : coups de klaxons, grands gestes de félicitations et interpellations amicales, dont voici quelques extraits : « Dove vieni ? Di Messico ? » me lance un jeune homme depuis le volant de sa Lancia, à la vue, certainement, de mon grand chapeau de paille. « Un giro Depuis mon arrivée au pays des Spaghettis, la cordialité des Italiens que je rencontre me touche. Souvent, je m’arrête pour demander mon chemin et à chaque fois, j’ai en face de moi une personne qui prend le temps de m’expliquer clairement la direction à prendre et qui répète volontiers quand je ne comprends pas. Jamais, je n’ai eu le sentiment de les déranger. Grazie mille ! Après une 60e de kilomètres sans encombre (sauf un ou deux longs tunnels sombres) sur Mais, Alba c’est aussi ses truffes mondialement renommées et particulièrement la truffe blanche qui se monnaie – littéralement – à prix d’or chaque année, vers le mois d’octobre. Nutella ; ça vous dit quelque chose ? Eh bien c’est encore ici que la fabrique Ferrero confectionne cette célèbre pâte à tartiner aux noisettes, elles-mêmes cueillies dans les alentours. Et si j’allais déguster des Spaghettis à l’huile d’olive aux truffes ? C’est l’endroit, non ? Dimanche 29 avril 2007 Je suis mis au parfum dès la sortie d’Alba : ça grimpe ! Je quitte le plateau du Piémont pour traverser la chaîne de montagnes de La route sillonne les vignes et les plantations de noisetiers. Durant les 30 premiers kilomètres - jusqu’à Cortemilia – j’ai plus l’impression de rouler sur un circuit de motos que sur une route de montagne ; ces bolides de course déboulent à toute allure, les uns derrière les autres. Je me fais même dépasser par une armada de gros scooters de course Yamaha. Cette équipe – certainement un club – est une centaine à me doubler en trombe. Wwwrrroouuumm ! On n’est pas loin du Mans. Je casse la croûte à Cortemilia avant d’attaquer mon 3e col de la journée. Ce tronçon est beaucoup plus calme et sauvage que le précédent ; pas un village sur 25km ! Que de la belle bosse tortueuse et escarpée, où je me retrouve, le plus souvent, seul à circuler. Je passe la nuit à Piana Crixia, au cœur de cette magnifique chaîne ligurienne. D’autres cols m’attendent demain. Lundi 30 avril 2007 Cette superbe route d’altitude traverse de jolis petits villages isolés où l’odeur du fumier chatouille les narines, où les chiens aboient en cœur et où les paysans se retournent sur mon passage. Les nuages viennent soudainement s’accrocher au somment des montagnes. Le temps se gâte ; le ciel s’assombrit et la température chute. Je sors ma veste aux premières gouttes de pluie. J’attaque, enfin, la descente qui m’emmène jusqu’au bord de la mer, à Albissola. En découvrant la côte méditerranéenne, j’ai la sensation qu’une autre page vient de se tourner ; je me sens, tout à coup, plus proche de la maison. Je n’ai plus qu’à longer cette côte jusqu’à Marseille. Il y a foule sur cette route balnéaire. Le week-end prolongé du 1er mai attire grand nombre de touristes sur Le côté positif de cette région ultra touristique est qu’il n’est pas difficile de repérer un camping. Je jette mon dévolu sur celui de Ceriale. Je ne suis plus qu’à 80km de Mardi 1er mai 2007 On pourrait se dire : ça va être ennuyeux de suivre la côte le long de la plage. On pourrait, oui. Eh bien, je n’ai pas le temps de m’endormir sur la selle, ce matin, car, la plage, je la vois de près, mais je la vois aussi très souvent de loin, depuis tout là-haut sur la colline. Les falaises se jettent parfois à pic dans la mer. Le génie civil n’a donc pas pu faire de miracle lors de la construction de cette route sinueuse et pentue à souhait. En traversant la ville de San Remo, je croise plus d’hôtels 4 étoiles que d’auberges de jeunesse… Il règne ici une ambiance de Jet-Set défraîchie (la nouvelle Jet-Set s’est établie à Portofino) qui m’encourage à vite passer mon chemin, tout en ayant l’œil attentif, au cas où Massimo Gargia se mettrait à me faire de grands signes pour m’inviter à boire une petite coupe J. A la sortie de San Remo, je suis doublé par un véhicule pas comme les autres : il a des plaques suisses !!! Soleuroises, pour être plus précis. Cela faisait une année que je n’avais plus vu de plaque minéralogique suisse. J’ai le sourire jusqu’aux oreilles ; je sens l’odeur de l’écurie J. Ses passagers savent-ils seulement le bien qu’ils me procurent ? Voyez-vous comme, dans ce genre de voyage en solitaire, des détails peuvent prendre des proportions démesurées dans le bourrichon ? Ventimiglia me voici ! Je plante la tente au camping Roma, à 7km de la frontière. Cette ville signe la fin de mon séjour au pays des spaghettis. Arrivederci Italia ! |
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