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Journal 6 - du 17 au 28 juin 2006

Laos

Laos - 842km

En remontant le Mékong 

 

 

Samedi 17 juin 2006    

 

J’ai en tête d’atteindre aujourd’hui la ville de Paksé qui n’est qu’à 140km…

 

Ce matin, j’ai peu d’appétit. Dès les premiers coups de pédales, je me sens fatigué. Aucune énergie ! Bizarre… Comment arriverai-je au but dans cet état ? Je pédale tant bien que mal pendant 20km quand, tout à coup, j’ai une idée géniale.

 

Un tracteur, que j’avais dépassé en descente et qui vient de me dépasser dans une montée, roule un peu plus vite que moi sur le plat. Je décide de lui coller à l’arrière-train pour bénéficier de son aspiration. Le changement est radical. Je gagne 5km/h de moyenne. Je roulais péniblement à 18km/h seul et avance maintenant à 23-24km/h sans trop d’effort. Par chance, la route est plate.

Je vais pédaler derrière ce tracteur pendant près de 100 kilomètres.

Les femmes assises sur des sacs de riz à l’arrière du véhicule sont d’abord un peu surprises, mais s’habituent vite à ma présence, bien qu’elles ne comprennent pas vraiment pourquoi je reste collé là derrière. Près de 5 heures de route ensemble nous laissent pleinement le temps de sympathiser. Je leur offre des biscuits. Elles me donnent de l’eau. On échange nos adresses, nos numéros de téléphones…J Non, je plaisante. On en reste aux échanges purement alimentaires.

Je souffre quand-même un poil des odeurs de gaz d’échappement, ainsi que du poisson séché et des grenouilles agonisant dans un cornet plastique en plein soleil.

Leur route s’arrête au kilomètre 110. Je leur dis au revoir et retrouve la dure réalité de l’effort.

 

Environ 20km avant Paksé, je suis pris subitement de violentes douleurs intestinales qui m’obligent à mettre pied à terre. Je cours m’accroupir derrière le premier bosquet venu. Je suis plié en deux de douleur. Si les intestins hurlent, c’est que quelque chose doit en sortir, me dis-je. Je baisse culotte et pantalons et me voici la lune à l’air, espérant me libérer rapidement de ce cauchemar. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, mes intestins se vident d’une purée brunâtre. Après plusieurs jets, les douleurs disparaissent enfin, mais j’ai perdu beaucoup de liquide, je suis transpirant et j’ai des vertiges dès que je me redresse.

Je vais m’allonger sur le banc de la maison voisine en espérant reprendre un peu de force.

Après 10 minutes de repos, je me sens déjà mieux ai n’ai plus d’alerte intestinale. Ouf ! Ca n’a pas l’air trop dangereux. Je me remets en selle et parcours péniblement les 20 derniers kilomètres.

 

Ouf ! Pas mécontent d’arriver à Paksé, sain et sauf. Et je crois bien que cette fois, j’ai mérité un bon massage. Non ?

 

 

Dimanche 18 juin 2006

 

Si, si. Je vais l’avoir mon massage.

 

Après un copieux petit-déjeuner, je me rends au Sauna/Massage & Spa de Paksé ; seul endroit de la ville proposant de sérieux massages. L’endroit est assez luxueux pour le coin. Je me présente à la réception et choisi l’Aroma Massage. Un massage aux huiles aromatiques. La charmante (faut-il le préciser ?...) réceptionniste m’emmène ensuite dans une petite pièce aux parois mi-closes et me laisse seul prendre ma douche et m’allonger sur la table, sans omettre d’attacher un linge autour de la tailleJ.

Me voici prêt à être malaxé.

La porte s’ouvre et se présente devant moi une femme d’une cinquantaine d’années, certainement élevée au Khao Niao (riz gluant) depuis sa plus tendre enfance, à la vue de ses bras qui sont presque aussi gros que mes cuisses. Je me dis : pourvu qu’elle ne me saute pas sur le dos, les pieds joints, comme c’est parfois le cas avec les massages thaïlandais.

Finalement, tout se passe à merveille. J’ai droit à un super massage relaxant pour le plus grand bonheur de mes cuisses (et du reste aussiJ).

 

 

Lundi 19 juin 2006

 

Je continue ma route vers le nord, en direction de Vientiane. La nationale 13 est en bon état, mis à part quelques dangereux nids de poules (pour ne pas dire d’autruches…) par-ci, par-là.

 

Je trouve une guesthouse à Muang Khongsédone ; un petit village  à 70km de Paksé.

 

 

Mardi 20 juin 2006

 

A 5h30, alors que je suis en train de mettre mes sacoches sur le vélo, je fais la connaissance d’un français de St-Tropez qui loue une chambre à l’année, juste à côté de la mienne. Dans ce trou paumé ?? Il se trouve qu’il enseigne l’anglais depuis quelques années au collège situé à 100 mètres de la guesthouse.

Nous prenons le petit déjeuner ensemble et il en profite pour me raconter un peu sa vie de nomade depuis une quinzaine d’années, ainsi que les us et coutumes laotiens, dont il parle la langue couramment.

Par exemple, la loi laotienne interdit les relations sexuelles avec un étranger avant le mariage. La police surveille et se fait un plaisir de venir vous réclamer quelques dizaines, voire quelques centaines de dollars au cas où. C’est ce qui est arrivé à ce français…

 

Je tarde un peu à partir, car je suis captivé par ses histoires. Lui, aime bien discuter aussi…

Nous nous disons adieu vers 7h et le soleil cogne déjà.

 

100 kilomètres pour rejoindre le village de Paksong. La route est une longue ligne droite légèrement vallonnée et un poil monotone. Les petits villages typiques se trouvant en retrait de la nationale, il n’y a, malheureusement, pas grand-chose à voir.

 

 

Mercredi 21 juin 2006

 

Je suis content de quitter ce bled poussiéreux qu’est Paksong. Aucun attrait particulier.

 

Certains laotiens que je croise sur mon vélo ou à pieds ont une curieuse manière de m’appeler. Ils me crient d’abord « HELLO ! » et une fois que je leur ai répondu, ils HURLENT « COME HERE !!! » sans aucun sourire et d’un ton bien plus féroce et autoritaire que celui de mon lieutenant à l’école de recrues. Bien que ce ton ne m’encourage pas trop à aller à leur rencontre, je me suis dirigé vers eux à deux reprises et à chaque fois, j’ai pu remarquer qu’ils n’étaient pas en train de sucer des glaçons, si vous voyez ce que je veux dire… Ensuite, c’est la croix et la bannière pour les quitter. Si je fais mine de partir, ils deviennent agressifs et insistent pour que je reste et que je partage leur alcool de riz artisanal. Le mieux est de les quitter en souriant, mais d’un pas décidé, sans plus se retourner ni répondre à leur insistance.

 

Je m’arrête pour la nuit dans un petit village, à 15km de Xeno.

 

Initialement, je pensais aller jusqu’à Xeno, mais le Thaïlandais qui m’accueille à la guesthouse de ce village est si sympathique et parle si bien l’anglais que je décide de rester. De plus, la chambre est très propre et offre TV, eau chaude et ventilo pour 5 dollars. Correct.

 

Je suis surpris de voir que cette guesthouse regorge de prostituées. Dans ce bled de moins de mille habitants… Etonnant ! En discutant un peu avec le Thaïlandais, celui-ci m’apprend que ce village est une halte pour beaucoup de routiers. Qui plus est, de nombreux séminaires d’entreprises ont lieu dans cette guesthouse. Il y a donc pas mal de va et vient et certainement moult clients potentiels…

Difficile pour moi de converser avec ces filles qui ne parlent pas un mot d’anglais et qui, d’après le Thaïlandais, ne savent, pour la plupart, ni lire ni écrire le laotien.

 

Bonne nuit mesdemoiselles ! Je vais regarder Portugal-Mexique dans ma chambreJ.

 

 

Jeudi 22 juin 2006

 

La nuit a été plutôt chaude. Non pas que les filles soient venues me rendre visite, mais il y a eu une coupure d’électricité de 23h à 5h30 du matin. Donc, ventilateur immobile et fenêtres fermées, car pas de moustiquaire.

J’ai comme une impression, en me réveillant, que je viens de passer la nuit dans un sauna. Je suis trempé.

 

Mon petit-déjeuner se compose, comme souvent, d’une baguette de pain tartinée de confiture et de beurre de cacahouètes. Voici, au moins, une chose appréciable que les côlons français ont laissé derrière eux : la baguette de pain. On la trouve dans toute l’ex-Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge). Les autochtones la mangent souvent avec du pâté local et, de temps en temps, en tartine de confiture. Personnellement, je ne m’en lasse pas.

 

Aujourd’hui, c’est une longue étape de 126km qui m’attend.

 

22.06.2006 - Accompagné par deux jeunes moines.

 

La route n’en fini pas d’être droite et vallonnée. J’arrive à destination, Thakhek, avec l’arrière-train en bouillie. Les parties de mon corps qui souffrent le plus sont, premièrement, les fesses qui ont du mal à s’habituer à ma selle plutôt rigide.

Ensuite, ce sont les poignets qui eux souffrent, à la longue, de supporter 50% du poids de mon corps dans la même position, d’où l’importance d’avoir un guidon de Touring offrant différentes possibilités de prises en main. Mon guidon droit à cornes est à peine suffisant.

Enfin, la nuque, elle, commence à tirer après 6 heures de route.

Le vélo, quant à lui, se porte toujours à merveille. Aucun problème aucun après environ 3 mille kilomètres. Le pied ! Le seul entretien effectué à ce jour a été de nettoyer, re-graisser et re-tendre la chaîne, une seule fois à Bangkok. That’s it !

 

 

Vendredi 23 juin 2006

 

Le Travel Lodge de Thakhek est l’endroit idéal pour prendre un jour de repos et recharger les batteries. Ma chambre est spacieuse et aérée, le personnel est des plus sympathique, la télévision propose TV5 Monde et, surtout, on y trouve de la « Farang Food », autrement dit, de la nourriture pour occidentaux. Je me régale de spaghettis à la sauce tomate.

 

 

Samedi 24 juin 2006

 

Je me réveille avec le rhume. Bravo !

La température a anormalement chuté durant la nuit. Ce matin, à 5h, il pleut et il fait un froid « polaire ». Mon thermomètre affiche 25 degrés !!! 7-8 degrés de moins que d’habitude. Le fait d’avoir dormi nu comme un ver, sous mon caleçon Calida rouge à bandes jaunes (taille M), avec un ventilateur puissance max. au plafond, n’a rien arrangé.

 

Sur la route, le vent souffle… de face, pour changer…

Quand la pluie cesse, après deux heures de vélo, je suis obligé de garder ma veste en goretex pour ne pas grelotter.

 

C’est avec les yeux brillants et le nez coulant que j’arrive enfin à l’unique guesthouse du village de Namthone. Le temps d’ingurgiter un « fe » (soupe de nouilles de riz – repas populaire national) dans la cabane du coin et Hop ! au lit pour une belle sieste réparatrice.

 

 

Dimanche 25 juin 2006

 

Un des plus beaux tronçons que j’aie connu sur cette nationale 13.

 

25.06.2006 - Je ne suis pas le seul à parcourir de longues distances à vélo...

 

La route, assez sinueuse, traverse plusieurs petits villages typiques avec chacun son lot d’animaux en liberté (jusqu’à ce que l’on décide de les manger…) qui ne font pas la différence entre la route et le champ d’à côté. Je zigzague donc entre buffles, vaches, cochons, canards, poules, chèvres, oies, … poissons…ours…rhinocéros… non, là je m’emballe…J… et chiens. Ne vous déplacez surtout pas. Je ne fais que passer…

 

Entre chaque village, des groupes de paysans travaillent dans les rizières. L’un d’entre eux m’appelle et me fait signe d’aller vers lui. Je laisse mon vélo au bord de la route et vais à sa rencontre, les pieds dans l’eau.

 

25.06.2006 - Un peuple souriant et acueillant.

 

Nous discutons un peu avec les mains. Ils me proposent, ensuite, de venir partager leur casse-croûte à l’ombre d’un arbre. Je les remercie, mais leur fais comprendre que j’ai encore pas mal de route à faire. Je les quitte avec un large sourire et de grands gestes d’adieu.

 

J’arrive dans la ville de Paksane après 90 kilomètres d’effort.

Le soir, je vais manger au bord du Mékong et en profite pour appeler Ploy avec ma carte SIM thaïlandaise. Je vois la Thaïlande depuis le restaurant. La connexion est bonne. Super ! Ca répond. Ouf ! C’est elle. Ah ! Je suis heureux.

 

Après le repas, je vais m’asseoir un moment au bord de ce majestueux fleuve que je suis depuis plus de 1’200km. Cette énorme masse brune en mouvement me procure un effet relaxant et apaisant. Mais, dans ce pays, tout comme au Cambodge d’ailleurs, je ne reste jamais très longtemps assis seul. Un groupe d’étudiants en train de jouer au football me repère et vient de suite à ma rencontre. Ces jeunes sont de nature curieuse et ne loupent pas une occasion de pratiquer leur anglais. En ce moment, LE sujet de discussion est la coupe du monde de football. Quand je leur dis que la Suisse va être championne du monde – je ne sais pas pourquoi – ils éclatent de rire…

 

 

Lundi 26 juin 2006

 

J’attaque la route l’estomac léger avec seulement un peu de lait de soja et quelques flocons d’avoine dans le ventre. Très vite, je manque d’énergie et ne suis pas mécontent de trouver une guesthouse, après seulement 53km, dans le petit village de Thabok.

 

 

Mardi 27 juin 2006

 

Je me réveille en même temps que la pluie à 5h. A-t-elle décidé de m’accompagner jusqu’à Vientiane pour célébrer ma dernière étape au Laos ? Pour l’instant, elle me fout un léger coup sur le moral qui m’incite à traîner au lit une demi-heure de plus.

« Allez, Lionel ! Debout ! Dernier effort avant le réconfort de cette charmante capitale. » me lancent mes quelques miettes de force mentale.

Ma veste de pluie sur le dos, je quitte la guesthouse et vais prendre mon petit-déjeuner de l’autre côté de la route. Le temps de terminer mon habituel « fe » aux légumes, la pluie a cessé de tomber. Je dis adieu au chien qui avait élu domicile sous ma chaise durant mes 3 repas ici (soit 6 heures environ), lance un « Sabaïdee » (adieu) au charmant personnel féminin et me mets en selle pour 98km. Le chien a un peu de mal à me quitter et trotte derrière moi quelques dizaines de mètres avant de rebrousser chemin. Etonnamment, les filles du restaurant, elles, ne courent pas du tout derrière moiJ.

 

Les premières heures de route sont un peu fraîches et j’ai presque froid sous ma chemise.

 

27.06.2006 - La route est aussi aux animaux...

 

A mesure que j’approche de Vientiane, le trafic devient plus dense et les conducteurs un poil plus nerveux. Les enfants sont plus rares à me saluer et je fais bientôt partie de cette masse de véhicules qui se dirige vers le centre ville.

 

J’arrive enfin aux abords du Mékong et peux me mettre à la recherche d’une pension.

 

27.06.2006 - Arrivée à Vientiane. Devant le monument Patuxai.

 

J’ai de la peine à reconnaître la ville paisible que j’avais tant aimée en 1999 (lors d’un précédent voyage), tant elle s’est modernisée et développée. A l’époque, les rues de Vientiane étaient en terre ocre et il n’était pas nécessaire de regarder à gauche, ni à droite avant de les traverser, tellement le trafic était faible.

Aujourd’hui, la terre a fait place à l’asphalte et le trafic est dense, voire congestionné aux heures de pointe.

Je trouve sans peine une guesthouse au cœur de la ville. Je monte mes sacoches, ainsi que mon vélo dans ma chambre. Après une rapide douche, je fonce m’alimenter. Je meurs de faim. Malheureusement, le resto végétarien mentionné dans mon guide n’existe plus. Je me rabats rapidement sur des classiques, mais oh combien appréciées, pâtes (sans œuf) à la sauce tomate, un resto plus loin. Me voilà rassasié pour quelques heures. Le temps d’un bon petit massage. Quel bonheur !

 

 

Mercredi 28 juin 2006

 

Vientiane mérite bien que je m’y arrête plus d’une nuit. Repos, donc, pour les cuisses aujourd’hui.

 

Malgré le boom économique de ces 7-8 dernières années, Vientiane reste la plus paisible capitale qu’il m’ait été donné de visiter sur cette Terre. Je prends plaisir à flâner dans les ruelles du centre. Je m’arrête dans un minuscule restaurant local (1 table pliante) pour y boire un jus de fruits. Le patron, laotien d’une cinquantaine d’années, très instruit, parle parfaitement le français.

 

Il me raconte la vie de son père qui fut forcé par le Gouverneur d’Indochine à devenir son chauffeur privé pour avoir été premier d’Indochine aux examens de CAP de mécanicien automobile. « Le meilleur élève sera mon chauffeur ! » avait exigé le Gouverneur. Le père, lui, aurait tant aimé créer sa propre entreprise…

 

Il me raconte son enfance, où il dû fuir sa maison de Saravan (ville du sud Laos), détruite et brûlée par les américains lors de la guerre du Vietnam.

« On parle toujours de la guerre du Vietnam » me dit-il, « mais l’on omet de dire que le Laos a été bombardé par les américains de 1964 à 1972 ».

Près de 2 millions de tonnes de bombes ont été larguées au Laos durant cette période, ce qui correspond à plus d’une demi tonne pour chaque homme, femme et enfant vivant au Laos. Ce qui rend le Laos le pays le plus bombardé - par habitant - de l’histoire.

 

Il me parle encore du gouvernement actuel, répressif et corrompu. Il se demande où sont passés les milliards de dollars encaissés depuis 30 ans pour la vente de bois précieux aux japonais et autres nations.

Et quand il me montre les travaux de canalisations en cours devant son restaurant, il me dit que ceux-ci n’auraient pas eu lieu sans l’aide financière du Japon…

 

Finalement, il me parle de la démocratie qui est loin d’être en place dans son pays.

« Si vous critiquez ouvertement le gouvernement, vous avez de forts risques d’être déporté » me dit-il.

Mais, il rigole quand il entend que les USA sont un pays démocratique en me lançant : « Savez-vous qu’aux USA, une femme qui laisse apparaître son string est amendable de 500 dollars ?...