Jour blanc chez Ramadan
Dimanche 17 septembre 2006
Encore perturbé par la série d’attentats à la bombe survenus hier soir, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.
Ce matin, je suis donc bien content de quitter Hat Yai qui me laisse, malgré tout, un arrière-goût tristement amer.
J’arrive assez rapidement et sans difficulté à la douane malaisienne de Padang Besar, après seulement 55 kilomètres.
« Bienvenue en Malaisie ! » me lance cordialement l’officier de l’immigration, en ajoutant que le premier hôtel se trouve à 37km, dans la ville de Kangar. Soit. Allons-y !
Quelque 20 mètres plus loin, je m’arrête pour repérer mon chemin. Aussitôt, un motocycliste malaisien stoppe à ma hauteur et me demande si j’ai besoin d’aide. Il m’escorte gentiment jusqu’à la route principale qui mène à Kangar. Eh bien, quel accueil dans ce pays ! Il faut dire que les contacts sont largement facilités par le fait que la majorité des malaisiens parle très bien l’anglais. De plus, leur religion et leur culture musulmanes en font des personnes très sociables et communicatives.
Pour un cyclo-voyageur, les premières différences remarquées lors de changement de pays sont logiquement celles des routes. Alors qu’en Thaïlande, elles sont généralement de très larges boulevards rectilignes à l’américaine, en Malaisie elles sont plus étroites et sinueuses. On se croirait presque en Europe.
Plus de deux siècles de gouvernance britannique n’ont pas seulement apporté la langue et le génie civil. Ils ont aussi transformé considérablement les mentalités et l’éducation qui font de la Malaisie, aujourd’hui, un pays moderne, prospère et sûr (au détriment de l’environnement ?…).
Si l’on met de côté les deux petits états de Singapour et du Brunei, la Malaisie est le pays le plus riche de l’Asie du sud-est.
J’arrive vidé par le manque de sommeil dans la charmante petite ville de Kangar, qui est entourée de rizières et de forêts d’hévéas.
Après avoir très facilement repéré un logement, je vais croquer une morce avant de vite plonger au fond du lit pour une longue sieste bien méritée.
Le soir, je vais manger au restaurant de l’hôtel. Là, je suis surpris de constater que les locaux ne carburent qu’au thé, au café, ou à l’eau. Effectivement, l’alcool est banni de la religion musulmane. Par contre, le tabac ne l’est pas… Côté mâles, ça tire sur les clopes à tire-larigot ! Je suis aussi étonné de voir que le menu ne propose que de l’eau minérale onéreuse. Où puis-je dénicher de l’eau bon marché ? Ah ! L’eau du robinet ne serait-elle pas potable dans ce pays, par hasard ? En effet, le serveur me le confirme : l’eau du robinet peut être bue sans risque. Voilà une bonne nouvelle !
Alors que je me dirige vers ma chambre d’hôtel, je suis pris en chasse par un individu local d’une soixantaine d’années que je n’ai pas vu arriver. Malgré ses politesses d’usage, je comprends rapidement où l’oiseau à l’intention de finir la soirée : dans mon nid ! Il insiste pour que je lui donne mon numéro de chambre. Mes réponses évasives ne lui conviennent pas et il me prend la clé des mains pour visualiser le numéro.
« Ok, I’ll call your room ! » me lance-t-il !
« No. Thank you ! » lui répondé-je aussi sec !
Gonflé, le gars !
Il me laissera quand même dormir tranquille…
Lundi 18 – Mardi 19 septembre 2006
Il me faut trouver des ringgits, aujourd’hui. C’est le troisième ATM qui refuse ma carte et les banques ne veulent pas de mes bahts thaïlandais. Je suis dans la mouise.
Le très serviable réceptionniste de l’hôtel m’indique un autre endroit, non loin d’ici, qui devrait accepter ma carte de crédit. Allons-y !
Nouvelle tentative, nouvel échec ! Le distributeur est hors service…
C’est alors qu’un bonhomme - stationné non loin de moi – ayant compris mon problème, me propose spontanément de m’emmener en voiture vers un ATM international. Je suis bien content d’accepter sa proposition. Nous traversons toute la ville avant d’arriver devant un distributeur de la Standard Chartered Bank. Enfin, Celui-ci veut bien me refiler quelques billets ! Mon chauffeur privé, après avoir patiemment attendu dans sa voiture, me ramène devant l’entrée de mon hôtel. En route, nous faisons un peu connaissance : Ali a 37 ans et il est professeur d’économie à l’université.
Avant de partir, il me laisse son numéro de téléphone en me souhaitant bonne chance pour la suite de mon aventure. Quelle hospitalité ! J’en suis ému.
Je passe la soirée devant l’unique ordinateur de l’hôtel à travailler sur la mise à jour du site. Il y a du pain sur la planche…
Je suis concentré sur ma rédaction, seul dans le mini Business Center Internet, quand un client de l’hôtel - un Malaisien d’origine chinoise, dans la quarantaine, bien éduqué – entre et vient s’asseoir en face de moi. Le pipelet passe rapidement sur les questions introductives pour arriver à celle-ci :
« I’ve got two beds. Do you want to join with me tonight ?
« What for ??? » je lui réponds.
« Anything… » me dit-il.
En voilà un autre qui a des idées derrière la tête…
Je le remballe un peu sèchement, mais poliment. Il tente encore de soutirer mon numéro de chambre – sans succès, cette fois – avant de remonter bien seul dans sa chambre.
Je passe la journée de mardi enfermé dans un cybercafé du bled. J’arrive, finalement, au bout du travail écrit. Il me faut, maintenant, attaquer celui des photos. Malheureusement la connexion a un trop faible débit et je suis contraint de changer de ville pour terminer ma mise à jour.
En début de soirée, je vais m’alimenter au restaurant de l’hôtel, qui propose de délicieuses salades mêlées. Cela ne fait pas cinq minutes que je suis assis, que débarque le fameux Chinois d’hier soir. Il repasse à l’attaque sans mettre de gant, cette fois. Il y va cash :
« Do you like men ? » me demande-t-il ?
« No, sorry. I’m straight. »
« I’m bi and I like you. Don’t you want to give yourself a try ? réplique-t-il.
« No, thank you. ».
Il tente de m’amadouer encore 2-3 fois, mais je campe sur ma position J.
Il me dit préférer la romance au hardcore, mais je vous passerai les détails de ses explications… J.
Je lui demande si ça n’est pas difficile de rencontrer des partenaires du même sexe dans un pays qui condamne par la loi l’homosexualité. Effectivement, il me répond que ça n’est pas simple. Mise à part la capitale Kuala Lumpur, où l’on trouve quelques bars ouvertement gays, comme le Blue Boy, des réseaux existent, mais ils sont extrêmement discrets.
Pas évident d’être homo en Malaisie…
Mercredi 20 septembre 2006
En gardant mon réveil à 5h, ce matin, je constate que j’ai fait une erreur, car la Malaisie a une heure d’avance sur la Thaïlande. Il fait donc nuit noire quand je monte sur ma bécane à 6h du matin et je dois enclencher ma lumière arrière. Les 50 petits kilomètres qui me séparent de la prochaine grande ville n’ont rien d’excitant ; le tracé, ainsi que le paysage sont monotones et la circulation est dense. De plus, les villages sont si étendus que je peine à trouver un endroit discret pour me soulager.
Je constate, néanmoins, un gros avantage par rapport aux routes thaïlandaises : le chien est inexistant. Pas de chasseur de cycliste, ici ! Ce fait est étroitement lié à l’islam, qui considère le canidé comme impur, pour ne pas dire « sale » en véhiculant toutes sortes de maladies susceptibles de contaminer l’Homme.
Je n’ai donc pas à craindre pour mes mollets.
Il n’est même pas 9h30 lorsque j’arrive à Alor Setar, capitale de l’état de Kedah, le « grenier à riz » de la Malaisie.
Je tombe sur un accueillant petit hôtel chinois, non loin du centre.
Jeudi 21 - Dimanche 24 septembre 2006
Quatre jours passés dans les divers cybercafés de la ville pour la mise à jour du site.
Quatre jours passés à vociférer contre mon écran.
Quatre jours passés à conspuer mon clavier.
C’est fou l’arsenal de mauvaises surprises que l’informatique peut réserver :
- pas d’autorisation d’accès au clavier suisse (avec accent) dans ce Computer Center-ci ;
- MS-Office Word non installé dans celui-là ;
- pas de programme ACDSee (ou autre) pour réduire le format de mes photos dans un autre ;
- connexion à trop faible débit pour télécharger mes photos ;
- et j’en passe et des meilleures...
Ces machines ont bien joué avec mes nerfs, mais j’y suis quand même arrivé. Ouf !
Lundi 25 septembre 2006
Je quitte enfin Alor Setar pour rejoindre la ville de Butterworth, à peu près 95km au sud.
Je le craignais et cela se confirme sérieusement : la côte ouest de la péninsule malaisienne est surpeuplée. J’ai l’impression d’avoir roulé en ville tout du long. La route est bruyante et surchargée. Quant au panorama, il n’a rien d’extraordinaire ; les forêts pluviales ont laissé place aux entreprises, aux habitations et à quelques cultures d’huile de palme.
Je pressens qu’en me rapprochant de Kuala Lumpur, les choses ne s’arrangent pas...
Mardi 26 septembre 2006
Effectivement, cela ne s’arrange pas...
Le bruit :
Ma nuit fut cauchemardesque. En effet, la fenêtre de ma chambre donnant sur la nationale 1 qui traverse la ville, j’ai souffert d’un vacarme pétaradant incessant. Même avec les tampons bien plantés dans les esgourdes, j’ai le sentiment d’avoir passé la nuit au milieu d’un carrefour en plein centre de Bangkok aux heures de pointe.
La pluie :
Je me mets en selle à 7h et la pluie est déjà au rendez-vous...
Cette douche va me tremper jusqu’aux os pendant les sept heures de route qu’il me faudra pour atteindre la ville de Taiping, 94km au sud.
Les paumes de mes mains, ainsi que les plantes de mes pieds sont flétries comme si j’étais resté dans un jacuzzi une journée entière. Lorsque je me présente à la réception de la guesthouse, une flaque se forme sous mes pieds.
Le bruit encore :
Cette nationale 1 est un vrai supplice. La route est étroite et le trafic est constamment congestionné. En sus, l’eau sur la route amplifie la résonance. Je roule avec les bouchons auriculaires, mais cela ne suffit pas...
La pollution :
Mes poumons en prennent aussi pour leur grade au passage de la multitude de vieux poids lourds traînant derrière eux de gros nuages de poussière noirâtre.
Je suis soulagé quand, enfin, j’arrive à Taiping ; bourg situé en retrait de cette maudite nationale 1, légèrement en altitude.
Taiping est une charmante ville coloniale.
Elle fut la première grande ville du pays développée par les Anglais à la fin du 19e siècle. C’est aussi ici et à cette période que virent le jour dans ce pays la première mine d’étain, la première piscine, la première mosquée, la première voix de chemin de fer, la première prison et le premier hôpital, entre autres.
Mercredi 27 septembre 2006
Les Malaisiens me surprennent chaque jour par leur serviabilité. Ce matin encore, je demande le chemin à suivre pour sortir de la ville et le Malais spontanément abandonne sa tâche pour m’escorter en moto jusqu’à la sortie du bled, 5km plus loin. Il me fait, ensuite, de grands signes d’adieu avant de rebrousser chemin. Quelle gentillesse ! Je n’en demandais pas tant.
Autant la journée d’hier fut infernale, autant celle d’aujourd’hui est paradisiaque. Je ne sais pas où le trafic de la N1 est passé, mais il a bel et bien disparu de ce tronçon. Je me retrouve ainsi presque seul sur cette route de montagne flambant neuve.
Les 50 premiers kilomètres qui mènent à Ipoh sont un vrai régal ; le parcours passe au travers de paysages luxuriants, sauvages et vallonnés. Le tout sous un beau ciel bleu, agrémenté d’une légère brise rafraîchissante.
Sur la route, je suis souvent salué par les Malais qui sont très courtois et par les Indiens qui sont très expressifs. Les Chinois, quant à eux, sont beaucoup moins démonstratifs de leurs émotions. Ils s’extériorisent peu, en faisant souvent mine de rien.
Cela fait six heures que je suis sur la route et que je n’ai rien mangé. Je m’arrête à une station essence pour me remplir un peu l’estomac.
Je suis assis parterre, devant la porte du Minimart, quand un Indien en chemise/cravate vient s’intéresser à mon cas. Je fais ainsi la connaissance du très sympathique Mister Manogarun, qui est analyste financier dans une société britannique à Ipoh. Il me pose deux/trois questions sur le pourquoi/comment d’un tel voyage, puis me dit « Good Bye ! » et retourne s’asseoir dans sa Mercedes SLK. Mais, il revient deux minutes plus tard - son agenda à la main - et me demande une signature, ainsi que mon adresse de contact.
Pourrait-on dire que je viens de signer ici mon premier autographe ? J
6km avant Ipoh, je vais rendre visite au Perak Tong ; un surprenant temple bouddhiste niché au sein de l’énorme caverne du Mont Gunung Tasik.
Construit en 1926, il habite plus de 40 statues de bouddha, dont l’imposant Bouddha assis mesurant 13 mètres de haut...qui me surveille...
Me voici arrivé en ville, mais pas encore au logis...
En effet, la circulation dans cette grande agglomération de plus de 600 mille habitants relève du véritable casse-tête ; quasiment toutes les rues/avenues sont à sens unique et aussi droites que la queue d’un cochon. Si les British avaient voulu faire plus compliqué, ils n’auraient pas pu !
Jeudi 28 septembre 2006
Mes cuisses ne se plaignent pas de cette petite journée de repos.
Après une matinée aussi grasse qu’une plaque de beurre, je vais bruncher à l’excellent restaurant végétarien chinois, qui n’est qu’à un lancer de poids de ma guesthouse. Tout est proposé, ici, pour apaiser les estomacs les plus carnivores : porc, agneau, poulet, bœuf, poisson et crustacés sont au menu. Ces plats proviennent, évidemment, d’une nourriture « Cruelty Free » avec un résultat impressionnant qui déjouerait un carnassier.
Je passe l’après-midi à flâner dans les rues de la ville.
Ipoh, 3e plus grande ville du pays, a su préserver quelques beaux vestiges de son époque coloniale, tels que l’énorme gare ferroviaire et l’Hôtel de Ville.
Vendredi 29 septembre 2006
56 petits kilomètres pour rallier la ville de Tapah.
A la sortie d’Ipoh, je m’arrête au Sam Poh Tong ; un autre temple bouddhiste encavé.
Dans la cour, un groupe de femmes matinales pratique le Taï Chi Chuan ; une gymnastique chinoise dérivée des arts martiaux.
L’intérieur de la grotte n’est pas aussi saisissant que celui de Perak Tong. Quelques statues sont érigées à l’entrée et une série d’escaliers mène aux étages supérieurs avec, en guise de récompense, une jolie vue sur les environs montagneux.
Cette portion de la N1 n’a rien de spectaculaire. Je romps un peu la monotonie en admirant dans l’est lointain l’imposante chaîne de montagne des « Cameron Highlands ».
Tapah est une agréable bourgade à majorité malaise.
Son atmosphère légèrement assoupie invite à la décontraction.
Alors, allons-y pour une sieste !
Samedi 30 septembre 2006
Lorsque mon réveil sonne à 6h30, ce matin, mes oreilles m’annoncent une nouvelle contrariante : il pleut. Mon courage, lui, est anesthésié et me force à me rendormir...
9h30. Je jette un petit coup d’œil par la fenêtre ; le soleil brille. Chouette ! Je mets les voiles !
Le tohu-bohu des moteurs est à nouveau au rendez-vous et leur va-et-vient incessant atténue grandement la beauté sauvage du décor qui m’entoure. Tout ceci ne me donne pas vraiment envie de rigoler...
Heureusement, quelques Indiens croisés sur la route me remettent de bonne humeur avec leurs sourires contaminants et leurs expressions, du style « Hello Johnny ! How are you Mister ? », ou « Hello, my friend ! Can I help you ? ».
Je fais escale pour la nuit à Tanjong Malim ; jolie localité en pleine effervescence en ce premier samedi du Ramadan - débuté dimanche dernier, 24 septembre.
Vers 18h30, je vais me lester d’un porridge de riz et légumes au restaurant malais du coin. Quelques couples musulmans sont déjà installés avec divers plats et boissons lactées sur la table. Ils attendent patiemment le coucher du soleil avant de commencer à manger, boire autre chose que de l’eau et allumer leur cigarette. Ici, la levée du jeûne est annoncée par la télévision. Ce soir, c’est à 19h10 qu’il se termine.
Que la fête commence ! Ils ont, dès à présent, toute la nuit pour festoyer et s’ébattre, avant que le soleil ne re-pointe le bout de son nez J.
Dimanche 1er octobre 2006
Ce changement d’horaire m’a fait prendre des habitudes paresseuses et ce n’est qu’à 8h ce matin que j’enfourche mon biclou.
Aujourd’hui, ma destination : Kuala Lumpur !
Il y a toujours un peu d’excitation et d’appréhension en moi avant d’arriver dans une capitale. Excitation à l’idée de trouver un meilleur choix de nourriture et de rencontrer d’autres voyageurs. Appréhension de la densité du trafic et de la difficulté à trouver mon chemin.
Je suis surpris du peu de circulation, en arrivant en ville. On se croirait presque dans les rues basses à Genève, un dimanche matin. J’exagère, mais pas tant que ça. Il faut dire que Kuala Lumpur (KL) est 4 fois plus petite que Bangkok – 1.4M contre 6M – et que nous sommes dimanche matin… Je me retrouve presque seul à rouler sur certains grands axes. Impensable à Bangkok ! C’est donc les yeux fermés que j’atteins le centre-ville.
Avant d’aller à la recherche d’un petit hôtel bon marché dans Chinatown, je fais un petit crochet par les « Twin Towers » ; les fameuses tours Petronas du géant pétrolier malaisien, longtemps considérées comme les plus hautes du monde (452m).
Les fesses collées à la selle, le chapeau de paille vissé sur le caillou, j’arrive tel le parfait cyclonaute en plein cœur du splendide parc situé aux pieds des imposants édifices, où une foule de touristes - tous très proprement vêtus - se promène ici et là.
Quel mal n’ai-je pas fait… Aussitôt, je suis interpellé par un gardien du parc qui m’annonce que les vélos sont interdits dans cette zone… Je lui réponds que c’est juste pour prendre une photo et continue mon chemin en pédalant jusqu’au coin idéal, une 20e de mètres plus loin.
Voilà ! Depuis ici, la vue est convenable.
Ai-je à peine le temps de poser mon vélo sur son pied et de sortir mon Pentax qu’un deuxième garde – qui m’a tout l’air d’être le chef – débarque sur sa moto et m’ordonne de débarrasser le plancher au plus vite. Je lui réponds gentiment que je veux simplement prendre une photo et qu’ensuite, je dis-pa-raît ! Et il s’en va sur son gros cube.
Une photo avec le vélo, c’est chouette, mais avec ma bobine en plus, c’est mieux J.
Je fais ainsi la connaissance d’un Australien très sympa, à qui je prends plaisir à raconter mon voyage. Je profite aussi de lui demander un tas de tuyaux pour l’Australie. Nous sommes en pleine discussion quand 4 gardes-parc se pointent.
« Est-ce que c’est votre vélo ? » demande l’un d’eux à l’Australien.
« Non, c’est le mien. » je lui réponds.
Le surveillant me dit alors, sur un ton un peu gêné :
« Je suis désolé, mais mon chef demande que vous débarrassiez votre bicyclette du parc. »
Je me retiens d’éclater de rire quand, au même moment, j’entends des hurlements jaillir de son walkie-talkie.
Bon, je ne veux pas faire monter la sauce plus longtemps. Je m’empresse, donc, de prendre les dernières photos avant de m’enfuir.
En quittant les lieux, j’ai comme l’impression d’être zieuté tel un clochard venant de commettre un meurtre.
Ils se la pètent un peu, par ici…
Lundi 2 – Jeudi 5 octobre 2006
Ma mission à KL : obtenir un visa de 60 jours pour l’Indonésie.
Connaissant la malhonnêteté de beaucoup de chauffeurs de taxi à KL, j’ai l’intention de prendre le bus pour me rendre à l’ambassade.
Tandis que je suis en train de repérer le chemin qui mène à la station de bus, une petite rondelette locale se pointe et engage la conversation. J’ai droit à un véritable interrogatoire. Elle me matraque de questions, du style « D’où viens-tu ? Où vas-tu ? Es-tu seul ? Etc. » pendant 5 minutes. A peine ai-je le temps de finir ma réponse, qu’elle enchaîne avec une autre question.
Elle doit être alimentée à la pile nucléaire, celle-ci. Ca n’est pas possible autrement.
Au bout du compte, elle me propose de partager un taxi avec sa sœur – qui était restée 2 mètres en retrait – car celles-ci habitent non loin de l’ambassade. Je suis un peu réticent, mais me dis que, finalement, ça sera plus rapide que le bus.
Me voici embarqué à l’arrière de ce taxi, entouré des deux joufflues. C’est, maintenant, au tour de la sœur de me mitrailler exactement des mêmes questions pendant au moins dix minutes. Cette petite dispose d’un catalogue de questions hors du commun. Et pas deux secondes ne se passent entre la fin de ma réponse et le début de sa prochaine interrogation.
Celle-ci a dû tomber dans la marmite de Red Bull quand elle était enfant ; un débit de paroles surréaliste et presque douteux…
Je ne suis pas loin du mal de tête…
Ces deux ladies – que l’on pourrait plus apparenter à des phacochères surexcités, qu’à de paisibles gazelles – ne trouvent pas mieux à faire que de m’emmener chez elles, alors qu’elles étaient sensées me déposer devant l’ambassade. Elles me sortent une excuse du genre « Nous devons aller chercher un appareil photo. »…
« Il y en a pour deux minutes. » me disent-elles.
Soit. Nous descendons, donc, tous les trois du taxi, après que la plus épaisse – appelons-la « Pumba » - ait payé la somme faramineuse de 15 ringgits ! Une superbe arnaque qui ne m’étonne même pas, mais qui a l’air de la surprendre. Ce parcours aurait dû coûter deux fois moins cher. Il faut savoir qu’à KL, plus d’un taxi sur trois est trafiqué ; un switch est installé, soit vers l’accélérateur, soit vers le frein à main, afin de modifier le coût kilométrique du compteur. En route, j’avais repéré le fil électrique du switch et en avait fait la remarque au chauffeur. Il avait fait mine de rien et je n’avais pas insisté, tant j’avais été bombardé de questions par Pumba et sa sœur.
En arrivant chez elles, j’ai comme le sentiment d’être attendu. La mère n’est pas surprise de me voir et me souhaite la bienvenue. Je connais l’hospitalité et la gentillesse malaise, mais là, ça sent un poil le préchauffé…
On me demande de m’asseoir sur le canapé du salon et l’on m’apporte de suite à boire, ainsi qu’une assiette de fruits. Il me semble que ces gens souhaitent me retenir ici. Moi, je ne pense qu’à mon visa et à l’ambassade qui devrait bientôt fermer…
Et voici que débarque l’oncle ! Lui non plus, il n’a pas besoin de se faire prier pour ouvrir la bouche… Il me raconte sa vie de croupier au casino depuis 20 ans et les différentes techniques de triche qu’il utilise pour mettre du beurre dans les épinards. En gros, il prend une commission sur la somme qu’il fait gagner au joueur complice. C’est ce qu’il appelle « to give someone a Winning Hand. ». Pas très sain, tout ça. Et il n’apprécie pas trop quand je lui dis que ces pratiques malhonnêtes ne m’intéressent pas.
Je n’arrive pas à savoir ce que toute cette équipe a derrière la tête, vis-à-vis de moi, mais tout n’est pas net. Les 2 minutes pour prendre l’appareil photo se transforment en 5, puis 10, puis 15 minutes. Toutes les 5 minutes, je mets la pression en signalant que je souhaite régler cette histoire de visa au plus vite. Pumba me répond, à chaque fois : « On attend la voiture de mon frère qui va arriver dans 5 minutes. ». Mais personne n’arrive. C’est de moins en moins clair tout ça. Qu’est-ce que le frère vient faire dans cette histoire ??? Ma patience atteint ses limites. J’annonce alors que je vais prendre un taxi tout seul.
« Ne vous inquiétez pas pour moi ! » leur dis-je.
Là, je sens qu’il y a de la tension dans l’air et, comme par hasard, 1 minute plus tard le frère débarque dans sa voiture, accompagné d’un autre gars.
Je me sens de moins en moins à l’aise, mais prends quand même le « risque » de monter dans le véhicule. Les filles viennent avec moi (pourquoi ?...) et s’installent à côté de chaque porte arrière. Je me retrouve donc « prisonnier » au milieu de la banquette arrière. Je deviens, peut-être, un peu paranoïaque, mais lorsque Pumba me demande un petit billet suisse en guise de cadeau, ou que l’on pourrait s’arrêter à un ATM…, je suis de moins en moins rassuré. Je mets donc régulièrement la pression en demandant si c’est bien le chemin qui mène à l’ambassade.
Enfin ! On y arrive.
Je m’empresse de sortir du véhicule, les remercie chaleureusement et leur dis Adieu.
Qu’avaient-elles derrière la tête ? Je me pose encore la question…
Mais, je ne suis pas au bout de mes peines…
Une fois dans l’enceinte de l’ambassade - où l’on entre comme dans un moulin - je vois une centaine de personnes assises parterre. Je me dis que ça n’est pas encore gagné. Fort heureusement, le guichet s’occupant de mon type de visa n’est pas aussi surchargé, même s’il y a quand même une trentaine de têtes devant moi. Après avoir consciencieusement complété le formulaire, je vais sagement rejoindre la file d’attente avec mes deux photos et une photocopie de mon passeport.
Mon tour arrive :
« Il nous faut encore un billet d’avion. » m’annonce la fonctionnaire.
« Je n’en ai pas, car je vais traverser la frontière en bateau. »
« Il nous faut un billet d’avion ! » insiste-t-elle.
« Je ne vais pas prendre l’avion. Je fais un tour du monde à vélo et je vais rejoindre l’Indonésie par bateau. »
La voici désemparée.
« Quel est le règlement pour les vélos ? » demande-t-elle à sa collègue.
J’arrive comme un cheveu dans la soupe ; ni l’une, ni l’autre ne sait comment réagir. On me demande alors de me rendre au 5e étage – département Economie – et de me renseigner sur la marche à suivre pour les vélos.
Ah, les ambassades et leurs méandres administratifs… Des champions du monde !
L’employée du 5e est charmante, mais m’a l’air tout aussi renseignée que ses collègues du rez-de-chaussée… Et la voilà qui décroche le combiné pour appeler son chef.
« Mon chef m’a dit que vous pouvez obtenir un visa, si vous avez, sur vous, un « carnet » pour le vélo. »
Je ne sais pas exactement ce qu’elle me réclame, mais je lui dis :
« Oui, je l’ai sur moi. »
Et je sors de mon porte-monnaie la quittance suisse de la RC du vélo pour l’année 2006… qui n’est valable qu’en Europe…
Ca semble lui convenir.
« Ok ! Vous pouvez retourner au guichet. »
Me voici donc à nouveau en dernière position d’une longue queue…et les bureaux ferment dans 15 minutes…
Mon tour arrive, in extremis. Il ne me reste plus qu’à répéter ce que la libellule du 5e m’a expliqué et le tour est joué. Ou presque…
Il me faut revenir dans 3 jours pour récupérer mon passeport, sans omettre d’apporter une photocopie du fameux « carnet ».
Quelle histoire pour une bicyclette !
Le lendemain, après avoir passé une bonne partie de la journée dans un cybercafé, je vais jeter un coup d’œil au centre commercial situé aux pieds des tours Petronas ; le KLCC.
Dans ce luxueux complexe de 5 étages, je me dirige assez rapidement vers l’immense librairie Kinokuniya et repère facilement le rayon « Travel » J.
Je suis plongé dans un guide LP, quand une douce voix provenant des haut-parleurs vient m’annoncer une nouvelle extraordinaire : à 19h30 Tony et Maureen Wheeler feront une conférence/dédicace pour la sortie de leur livre « The Lonely Planet Story » au 1er étage de la librairie.
Woaow ! Voilà une unique chance de rencontrer le couple fondateur de la plus fructueuse compagnie indépendante de publication de voyages sur la planète : Lonely Planet Travel Guides. LA référence du backpacker !
Maureen et Tony résument leur livre à tour de rôle, de manières très vivante, simple et amicale. Nous ne sommes qu’une vingtaine assis en face du couple.
Après une demi-heure de conférence, Tony et Maureen, très disponibles, répondent à nos questions, tant en public que face à face lors des dédicaces.
Donc, pour tous ceux qui se demandaient quand les prochaines éditions des « LP Cycling » (Australie, Nlle Zélande, Vietnam,…) allaient paraître ; j’ai la réponse J.
Ca n’est pas demain la veille !
En effet, Tony m’a expliqué que ces cyclistes « fous » engagés dans le projet lui avaient coûté une fortune – notamment pour la création des cartes avec dénivelés – et que la compagnie avait perdu beaucoup d’argent avec ces guides. Alors, tant qu’ils n’auront pas trouvé un moyen plus efficace et rentable de créer ces bouquins, il n’y aura pas de nouvelle édition.
Encore une journée à poireauter avant d’aller cueillir mon visa.
Je sors de ma canfouine vers 13h, pour me rendre à nouveau au KLCC ; endroit idéal pour continuer tranquillement et au frais J la rédaction de mon journal.
Suis-je pris d’hallucinations ?!
A l’endroit même où les deux demoiselles m’avaient « pris en otage », je suis interpellé par deux autres juments i-den-tiques, mais avec 10 ans de plus, qui me bombardent des mêmes questions !!! Les mêmes traits de visage, les mêmes proportions, mais 10 ans plus vieilles. Suis-je dans la 4e dimension ? Elles doivent appartenir à la même famille. Obligé ! Elles se ressemblent trop.
Encore une fois, je remarque que cette interception n’est pas le fuit du hasard, contrairement à ce que les deux pouliches tentent de me faire croire. Leur cible est choisie et leurs questions sont préparées. Mais qu’ont-elles derrière la tête ? Mystère… Le sosie de Pumba me sort une variante du style « pourrais-tu nous accompagner, car nous avons des questions à te poser sur la Suisse ? »… Etonnement, quand je lui demande si elle n’a pas un oncle qui travaille dans un casino, elle se fâche un peu en répondant par la négative. Ma question l’a refroidie et la discussion coupe court. Je peux donc continuer mon chemin tranquille…
Quel curieux manège !
Jour J. Me voici devant l’ambassade d’Indonésie. C’est Journée Portes Ouvertes toute l’année, ici. Les gens entrent et sortent sans s’annoncer. Je fais donc de même et m’engage d’un pas décidé vers la porte principale. Mais, il y a quand même un garde armé qui fait bien son travail, aujourd’hui : il ne me laisse pas entrer. Raison : les shorts sont interdits dans l’enceinte de l’ambassade ; une tenue conservatrice est exigée. Fort heureusement, ayant été averti de cette règle par la propriétaire de la guesthouse, j’ai prévu le coup et ai apporté la « suite » de mes pantalons dans mon sac. Les chauffeurs de taxi postés devant l’entrée éclatent de rire quand ils me voient sortir mes jambières à fermeture éclair de mon bagage et les zipper sous les yeux du garde-barrière.
Je suis maintenant en règle et autorisé à collecter mon passeport.
Sauf, qu’il y avait une autre règle à laquelle je ne m’attendais pas : la paire de moustaches est obligatoire !
Non, celle-ci est de trop J.
Vendredi 6 octobre 2006
Ca n’est pas dans les meilleures conditions que je reprends la route, ce matin.
En effet, cela fait deux jours que le ciel est sévèrement voilé par une brume polluante.
De gigantesques incendies illégaux provoqués par les Indonésiens sur les îles de Bornéo (Kalimantan) et Sumatra sont à l’origine de ce « jour blanc » qui s’étend sur des milliers de kilomètres, jusqu’aux îles du Pacifique sud. Cette saison de feux de forêts est un véritable « human-made » désastre pour la santé des gens et de la planète. Les principaux coupables de ces émanations de carbone sont les grandes compagnies d’exploitation forestière – pour ne pas dire déforestation - et de plantations qui défrichent illégalement les forêts pluviales.
La Malaisie, qui est prise en étau par l’Indonésie, souffre largement de cette brume chaque année.
Plusieurs villes indonésiennes ont fermé leurs écoles aujourd’hui, à cause de cette pollution.
De mon côté, les effets malsains ne se font pas attendre ; j’ai la gorge irritée et mes sinus se sont à nouveau déréglés ! Mille milliards de mille sabords !
Pour ne rien arranger, la route qui mène à Seremban est surpeuplée et les milliers de pots d’échappement ne me font pas de cadeau. Je suis aussi contraint d’emprunter l’autoroute sur une dizaine de kilomètres, à la sortie de KL, car la route n’existe tout simplement pas…
« C’est bon, vous pouvez y aller. » m’annonce un des employés de l’autoroute depuis sa cabine de péage…Soit. Si vous le dites.
Samedi 7 octobre 2006
La nuit ne fut pas des plus reposante. En effet, mes narines ayant fermé leurs portes pour cause de chantier, j’ai passé toute la nuit la bouche ouverte, telle une truite à l’asphyxie dans le panier d’un pêcheur. En quittant Seremban ce matin, force est de constater que je suis bel et bien malade…
Je parcours péniblement les 80km qui me séparent de la ville de Malacca. Aujourd’hui, la brume âcre est légèrement moins dense et laisse transparaître le bleu du ciel.
Malacca est une charmante ville historique que nombre de touristes viennent visiter, notamment en raison de ses vestiges des époques coloniales où Chinois, Portugais, Hollandais et Anglais se sont succédé. Je profite de mon passage au centre-ville pour aller jeter un coup d’œil aux ruines de « Porta de Santiago » ; partie du fort nommé « A Famosa » par les Portugais et bâti au XVIe siècle.
Non loin, se trouve l’imposante relique de la période hollandaise ; « Stadthuys » et sa Christ Curch rouge pétante, érigée au XVIIIe siècle.
Sur cette place est parquée une quinzaine de vélos side-cars superbement décorés et prêts à prendre en charge les touristes pour une visite de la vieille ville.
Dimanche 8 octobre 2006
Malacca est plongée dans un étouffant nuage de carbone – on ne voit pas à 200 mètres – et mon état de santé s’aggrave ; mes sinus sécrètent abondamment et sans relâche un mucus brunâtre, je suis pris de crises d’éternuements et une légère fièvre commence à se faire sentir. Je suis obligé de garder, en permanence, un mouchoir sous mon nez, qui coule comme les Chutes du Rhin.
Il me faut d’urgence me faire soigner. Je sais déjà que je ne vais pas échapper aux antibiotiques et que la cure risque de durer plus d’une semaine.
Que faire ?
Rester coincé à Melacca 2-3 semaines sous les cendres indonésiennes, ou remonter me faire soigner à Bangkok ?
La réponse est vite trouvée : tant qu’à rester bloqué longuement dans une ville, autant que ce soit à Bangkok avec Ploy. Je profiterai aussi des excellents services médicaux de la ville à un prix abordable.
Johan, le propriétaire de la sympathique guesthouse « Traveller’s Lodge », accepte très gentiment de garder mon vélo et mes bagages durant mon absence.
C’est décidé, demain je mets les voiles !
Lundi 9 octobre – Dimanche 5 novembre 2006
J’arrive à Bangkok sous une pluie torrentielle. Pour la première fois en dix ans, je vois Sukhumvit Road noyée dans 50cm d’eau.
Je me rends avec Ploy au Bumrungrad Hospital.
Après endoscopie et radiographie 3D, l’oto-rhino-laryngologue (tout ça à la fois ?) constate que l’orifice du sinus maxillaire gauche est anormalement étroit et que le septum est dévié vers la gauche. Il suggère une intervention chirurgicale, afin de
- agrandir l’orifice du sinus et de
- élargir la fosse nasale gauche en coupant un bout d’os du septum.
Parallèlement à cela, il faut, bien sûr, soigner l’infection bactérienne à coups d’antibiotiques. Eh bien, me voilà dans de beaux draps ! Je ne m’attendais pas à un diagnostic si sévère.
N’étant pas très « chaud » pour l’opération, je propose au Docteur Praphan de tenter de m’en sortir en en restant à la prise d’antibiotiques. Après tout, l’orifice de mon sinus, ainsi que mon septum sont dans cet état depuis moult années et je m’en portais bien. Le docteur est d’accord avec l’idée et me prescrit donc 7 jours d’antibiotiques.
1 semaine plus tard, mon sinus est toujours infecté…
Le médecin me prescrit alors un autre type d’antibiotiques et me donne rendez-vous dans une semaine.
7 jours plus tard, mon sinus est toujours malade…
Essayé, pas pu ! 2 semaines de perdu !
Il est temps de lancer l’artillerie lourde : l’opération !
Elle a lieu le samedi 21 octobre.
3 heures d’opération sous anesthésie générale et enregistrée sur DVD. Ames sensibles, s’abstenir !
Je reste, ensuite, trois jours et trois nuits à l’hôpital, sous perfusion.
Les deux semaines suivantes, je me rends à l’hôpital tous les matins pour contrôle et nettoyage. Chaque jour, je remarque une légère amélioration ; les sécrétions diminuent et la respiration se fait plus facilement.
Me voilà, enfin, remis sur pied ! Les sécrétions nasales ont presque disparu. Il est temps pour moi de reprendre la route. D’autant plus que mon visa arrive à l’échéance de ses 30 jours.
Je retrouve mon vélo le dimanche 5 novembre. Il n’a pas pris une ride, lui…
Lundi 6 novembre 2006
Je suis bien triste ce matin. En effet, je viens de constater que mon chapeau de paille a été subtilisé durant mon absence. Je vais avoir beaucoup de peine à retrouver une protection solaire aussi efficace et confortable que celle-ci. En attendant, je suis forcé de me badigeonner de crème solaire.
Je quitte Malacca vers 9h pour me rendre à Muar, 50km au sud. Après 4 semaines d’inactivité physique, j’ai de la peine à appuyer sur les pédales. Je tourne au ralenti. Heureusement, l’étape n’est pas trop longue.
Après 3 heures de route plate et ensoleillée, j’arrive dans la petite ville de Muar, où je trouve sans peine une chambre pour la nuit.
Mardi 7 novembre 2006
Je continue gentiment ma route en direction de Singapour.
La nationale 5 - qui longe la côte du détroit de Malacca – est heureusement beaucoup moins fréquentée que l’horrible NH1. Ce matin, le ciel est voilé et je ne m’en plains pas. Je traverse plusieurs jolis villages agricoles, où des écoliers viennent en courant me saluer depuis leurs préaux d’écoles. Leurs sourires, leurs joies de vivre sont contagieux et viennent rompre ainsi la solitude du cyclo-voyageur.
Je fais escale à Batu Pahat ; petite ville côtière assise au bord du fleuve Lenik. Je n’ai dormi que trois heures la nuit passée et j’ai hâte de la prolonger par une bonne sieste. ZZZzzz !
Mercredi 8 novembre 2006
73km pour atteindre Pontian Kecil.
La route est un régal : paysages luxuriants, faible circulation et collines à souhait.
Quelques kilomètres après Batu Pahat, je croise un splendide singe Langour noir, paisiblement assis sur un panneau de circulation, en bordure de forêt. Il me regarde passer d’un air curieux.
Il me faut immortaliser cette scène ; elle est trop belle.
Je fais demi-tour et m’arrête à quelques mètres du panneau sur lequel le grand singe est assis. Je remarque de suite qu’il n’est pas rassuré de me voir si près. Il me regarde avec ses grands yeux noirs cerclés de blanc, d’un air de dire :
« Qu’est-ce qu’il me veut, lui ? ».
« Je prends vite une photo et je m’en vais. Promis. ».
Mais, lui ne l’entend pas de cette oreille ; le temps de sortir mon appareil photo et hop…le magnifique animal est déjà dans la canopée, accroché à l’aide de sa longue queue préhensile. Flûte ! Cette image aurait valu cher.
Je passe de village en village, où règnent calme et douceur de vivre.
Entre chaque localité, les paysans s’affèrent à récolter les fruits de palmiers pour ensuite en extraire l’huile.
La Malaisie est le premier producteur mondial d’huile de palme et, parallèlement, le second exportateur mondial de bois, après l’Indonésie. L’île de Bornéo fait les frais de cette production acharnée en ayant déjà perdu 50% de sa forêt pluviale au profit des palmeraies, avec pour triste résultat, la disparition de biotopes et la quasi extinction d’espèces telles que l’orang-outan, l’éléphant et autres grands mammifères.
Jeudi 9 novembre 2006
Pour cette dernière étape en Malaisie, j’ai rendez-vous avec la circulation, qui rime avec congestion, qui rime avec bouchon, qui rime avec cochon, qui rime avec proton, mais qui ne rime ni avec calme, ni avec sécurité…
Vous allez me dire : « Mais pourquoi proton ? ».
En fait, Proton est une marque de voiture malaisienne. Ils en sont fiers de leur Proton, ici. Je vous le dis.
Et pourquoi cochon ? Aucun rapport. C’est juste pour la rime.
Les 30 premiers kilomètres traversent une forêt équatoriale par une route sauvage et vallonnée. Le trafic aussi, est sauvage…
Durant les 30 derniers kilomètres, je vois le flot de véhicules s’intensifier et les routes se transformer en artères à 6 voies dépourvues de bande cyclable. Je me concentre pour ne pas faire d’écart.
Ce matin, le soleil cogne et je suis bien heureux d’avoir déniché un nouveau chapeau de paille, la veille. Il n’a pas le confort, ni l’efficacité du précédent, mais il vaut mieux que ma casquette saharienne (et que mon casque ?…).
J’arrive à Johor Bahru après 3 heures de route.
Je trouve une petite chambre dans un « budget » hôtel, au pied de la « Merlin Tower », qui n’est qu’à cent mètres du passage reliant la Malaisie à Singapour.
Lors de mon dernier soir en Malaisie, j’ai, une fois encore, l’occasion de témoigner de la serviabilité de sa population. Et par la police, cette fois-ci !
Effectivement, je m’adresse au poste de police du coin pour être renseigné sur l’emplacement d’une boîte aux lettres, quand un officier en civil me propose spontanément de m’y emmener en voiture. Il m’embarque, ainsi, dans sa Proton flambant neuve et me ramène, ensuite, devant mon hôtel en me souhaitant un bon voyage à vélo.
Merci pour ton accueil, cher peuple malaisien !